Lundi 29 janvier 2024

CHF 50 | 30.-

19:30 Eglise de Rougemont

A. Bruckner
Ave Maria

F. Poulenc
O Magnum Mysterium, Quem vidistis pastores, Salve Regina Tenebrae factae sunt

T. L. de Victoria
Caligaverunt oculi mei, Animam meam dilectam, Ecce quomodo moritur

V. Nees
De profundis

T. Tallis
If ye love me

J. Rheinberger
Abendlied

A. Bruckner
Os justi,Virga Jesse

E. Elgar
Lux aeterna

E. Whitacre
Lux Nova

Sous le patronage de

Présentation de concert

Bruckner : Ave Maria
La voix est peut-être « l’instrument » le plus à même de matérialiser la lumière. Pas seulement la lumière divine. La lumière tamisée, aussi. Sans oublier la lumière poudrée. Jusqu’à l’éblouissant éclat de la foi. Des trois Ave Maria de Bruckner, celui-ci, daté de 1861, demeure le plus célèbre. Il fut écrit pour fêter les débuts d’une chorale qu’il dirigeait. Sous ses aspects d’immense sérénité, et en dépit des plates portées des partitions, cette œuvre rappelle que la musique est à la fois un son, un mouvement ; mais aussi un espace. Qu’elle s’écoute en trois dimensions.

Poulenc : O Magnum Mysterium, Quem vidistis pastores, Salve Regina, Tenebrae factae sunt
Poulenc et la foi : un lien complexe. Fâché contre Dieu à la mort de son père en 1917, la religion le sauve du chagrin après l’accident fatal de son ami compositeur Pierre-Octave Ferroud en 1936. Mais cette croyance ressuscitée sera austère, à l’image de la Vierge noire qui la ranime. Et surtout de son écriture sacrée : sans théorie ni parures. Une musique d’imprégnation, qui touche l’âme avant les oreilles. Tiré de ses Quatre Motets pour le temps de Noël, le premier chant s’avère le plus radical. Rapprochant le latin d’église d’un hébreu de synagogue, ses harmonies tonales semblent dévaler vers un gouffre qui module entre l’obscurité et le jour. Quem vidistis pastores offre un va-et-vient aux accents archaïques entre le sol et le ciel conciliés. Salve Regina continue de tisser ce calme dilué, cherchant la beauté dans le frugal ; mais se termine sur dix-neuf mesures répétant « Dulcis Virgo Maria », en guise de lamentation pour l’ami disparu. Finissons ici par l’un des Quatre Motets pour un temps de Pénitence : dans ce vrai-faux canon, l’opacité s’abat sur le genre humain. Mais ne désespérons pas de la vie terrestre : Poulenc dédie ce dernier chant à une femme céleste et bien réelle, Nadia Boulanger.

T. L. de Victoria : Caligaverunt oculi mei, Animam meam dilectam, Ecce quomodo moritur
Motets, hymnes, magnificat, psaumes : le prêtre et organiste Tomás Luis de Victoria n’écrivit pas une ligne profane de son existence, vouée à colorer de son génie polyphonique toutes les dates du calendrier liturgique. Cette persistance fit de lui le compositeur sacré le plus renommé de la Renaissance ibérique. Et l’ultime emblème, à sa mort en 1611, du Sigle d’oro (siècle d’or), cette période qui offrit à l’Espagne un regain de créativité où Dieu tenait une place centrale. Comme Vélasquez et Le Greco, Tomás Luis de Victoria mêla la plus parfaite tradition à des gestes expérimentaux très personnels. Préférant l’appel de l’émotion au froid contrepoint, l’artiste se jouera des dissonances pour communier vers ce plaisir qui fait si peur aux prélats.

Nees : De profundis
Fils d’organiste, le Belge Vic Ness, disparu en 2013, apprit la musique en autodidacte, influencé par Bartók, Stravinsky et Britten. Dans ce chant intemporel, une sinusoïde sépulcrale le dispute à des plages déliées, tendues vers un même horizon ineffable. On songe au poème éponyme de Baudelaire : J’implore ta pitié, Toi, l’unique que j’aime / Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé / C’est un univers morne à l’horizon plombé /Où nagent dans la nuit l’horreur et le blasphème.

Tallis : If ye love me
Ce fameux chant tiré du répertoire de l’église anglicane fut publié en 1565. L’auditeur est invité par Dieu, s’il l’aime, à respecter ses volontés. En dépit de ce commandement, la prière s’y révèle doucereuse. L’homophonie et l’impératif de pureté propres aux normes de composition de la Réforme anglaise y sont pour quelque chose.

Rheinberger : Abendlied
Conçu par un artiste de quinze ans en 1855, quelques semaines avant Pâques, ce motet n’exprime rien des représentations associées à l’adolescence. Confiant, imperturbable, il découpe et agrège plusieurs voix dans un trajet d’évidence qui confine à la transe. L’apesanteur domine. On n’est plus tout à fait certain d’avoir les deux pieds sur terre.

Bruckner : Os justi,Virga Jesse
Le chant grégorien est modal, diatonique – et surtout anonyme. Adaptant ces deux motets autour des années mille huit cent quatre-vingts, par un délectable jeu sur l’unisson, Bruckner rend hommage à dix siècles de musique sacrée, et surtout à l’abbaye autrichienne de Saint-Florian, qui l’accueillit lorsqu’il perdit son père à treize ans. Dans ce havre, le petit garçon apprit que la modestie pouvait être sublime.

Elgar : Lux aeterna
« La mort ? Mais j’y suis habitué ! J’étais mort si longtemps avant de naître ». Ce mot d’esprit de Cocteau paraît taillé sur mesure pour le présent motet, qui s’amorce depuis les ténèbres et monte vers la grâce. Le père du musicien était accordeur de pianos : on peut écouter cette œuvre comme la quête perpétuelle d’un accord entre être et non-être. Sinon entre les voix distinctes d’un chœur vibrant de forces contraires, pourtant fusionnées en un corps.

Whitacre : Lux Nova
Une composition contemporaine pour conclure cette promenade en suspension. L’ambient de Brian Eno ou Harold Budd est passée par là. Sans électronique, Whitacre progresse par nappes, cousant un étrange manteau de lumière, où les éclats se diffractent plus spatialement que jamais. Le chant sacré est un continent quantique : hors du temps, au-delà du réel.

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