Samedi 4 Février 2023

CHF 150 | 110 | 50 | 30.-

W.A. Mozart
Ouverture de Don Giovanni

J. Haydn
Concerto pour violoncelle n° 2 en ré majeur

L. van Beethoven
Symphonie n° 4 en si bémol majeur op. 60

Sous le patronage de

Présentation de concert

Mozart
Ouverture de Don Giovanni
À dix-sept ans, Beethoven rencontre l’auteur de cette Ouverture qui clame : « Prenez garde, celui-là fera parler de lui. » Mozart bien sûr avait vu juste : l’adolescent deviendrait après lui, après Gluck, et après Haydn, l’ultime représentant majeur du classicisme viennois. Mais Don Giovanni, donc – sa deuxième collaboration avec le librettiste Da Ponte, après Les Noces de Figaro. Quatre mois suffirent au Salzbourgeois pour créer ce chef-d’œuvre, dont la légende murmure que le présent incipit aurait été livré en trois heures, la nuit précédant la répétition générale au théâtre Nostitz de Prague ; soit la veille du 28 octobre 1787. Nous voici quatre ans avant la mort de Mozart : ce n’est pas encore le Requiem, mais dès la première mesure, le ton est donné. Avec une imparable solennité, l’orchestre matérialise la force du destin. Les routes de traverse narrées dans l’Allegro qui suit l’Andante ressemblent à l’album photo d’une vie déjà finie, pétrie de tracas. Mais une vie débordante de fougue, à l’image de celle dont eut besoin Don Juan pour traquer sans trêve le plaisir. La scène finale de l’opéra résonne avec ce prélude, soulignant que dans toute jouissance, la fin est contenue dans le début. Le titre complet de l’œuvre n’est-il pas : Don Giovanniou le dissolu puni ?

Haydn
Concerto pour violoncelle n° 2 en ré majeur
Seuls les deux premiers concertos pour violoncelle de Haydn sont assurément signés de sa main. Mais même celui-ci, daté de 1783, soit deux décennies après le premier, fut longtemps attribué à son dédicataire le violoncelliste Antonín Kraft… avant que l’on découvre sa partition autographe, au début des années cinquante ! De fait, Kraft est utile au déchiffrage de cette œuvre, tout entière vouée à la virtuosité de l’interprète qui l’inaugurerait. À tel point que l’on pourrait l’écouter à l’aune des infinies variations stylistiques ou techniques qu’elle réclame au soliste.

Son préambule éclot comme une aube : rayon par rayon. L’aube est printanière. Une tonalité pastel s’installe. Mais comme chez Mozart, qui ne cachait pas son admiration pour Haydn – « Lui seul a le secret de me faire sourire, de me toucher au plus profond de mon âme… » –, le loisir réserve de perpétuelles surprises. Sans délai, de brusques rafales viennent balloter le premier thème, soumis aux humeurs d’un cœur par trop inconstant. L’ombre du romantisme n’est jamais loin, lorsque cet archet s’épanche. En l’espèce, le violoncelle traversera de multiples phases au cours de l’Allegro moderato. D’un motif à l’autre, on l’entendra danser, pleurer, hurler, et s’adonner à d’acrobatiques démonstrations – où la technique le dispute à une totale expressivité. L’Adagio qui vient ne quitte pas le territoire du réconfort. Mais sa palette s’épure : un canevas de silence et de modulations invite à méditer. Tout chante, mais d’un chant vaste comme le ciel. Et le mélanco-lyrisme du soliste n’est pas sans évoquer certaines pages à naître de Schubert. Le finale en forme de Rondo invente un dialogue ludique, à l’écriture néanmoins exaltée, entre l’orchestre et le violoncelle. Sans répit, l’on oscille entre l’équanimité du XVIIIe et la fièvre du XIXe. Entre Mozart et Beethoven.

Beethoven
Symphonie n° 4 en si bémol majeur op. 60
Un orage à l’horizon. La terre qui tremble. Le prologue de la Symphonie n° 4 n’est pas sans rappeler L’Ouverturede Don Giovanni. Beethoven traversait pourtant en 1806 les années les plus fertiles de son existence. Ce qui explique pourquoi la météo change aussitôt : à défaut de beau fixe, l’orage vire à la trombe de lumière. Le si bémol majeur, tonalité rare, s’avère aussi éblouissant que mystérieux. Friedrich n’a pas peint que des horizons tragiques : on lui doit aussi de verdoyants pinacles, nimbés d’un soleil cristallin – paysages que l’on sillonne à l’écoute du premier mouvement. La promenade se poursuit au fil d’un Adagio céleste, où la rosée du divin Haydn dépose ses plus délicates gouttes. Faut-il rappeler que ce dernier, ébloui par le potentiel du jeune Ludwig, l’avait invité à Vienne pour lui transmettre sa vénérable science ? Clarinettes et premiers violons honorent chacun leur part de la mélodie. Né trois ans avant cette œuvre, Berlioz déclarera qu’une telle musique n’avait pu être brodée que par un ange. De proche en proche, Beethoven invente une intériorité symphonique, où le pluriel prête sa voix au plus intime. Et réussit, malgré le rythme pointé de l’accompagnement, à communiquer un sentiment de puissante sérénité. Spinoza estimait que le désir qui naît de la joie est plus fort que le désir qui naît de la tristesse. Son intuition trouve sa confirmation dans l’Allegro vivace, dont l’élan de vie explose tel un cœur transi, mais récompensé. Si l’orchestre est un corps, tous ses organes exultent. L’Allegro final accroît le nombre de battements par minute. Avant Spinoza, Saint Augustin posait quant à lui que le bonheur, c’est de continuer à désirer ce que l’on possède. En voici la preuve éclatante : jusqu’à la dernière note, le sourire s’impose sans la moindre béatitude, avec la hardiesse que cela exige d’être heureux. Le musicologue Robert Greenberg conclut : « N’importe lequel des contemporains de Beethoven eût écrit cette symphonie, elle serait considérée comme son chef-d’œuvre absolu. »

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