Vendredi 7 février 2020

CHF 150 | 110 | 50 | 30.-

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Concerto pour piano n° 24 en ut mineur K. 491
Allegro | Larghetto | Allegretto

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 1 en ut majeur opus 21
Adagio molto – Allegro con brio | Andante cantabile con moto | Menuetto. Allegro molto e vivace | Finale. Adagio – Allegro molto e vivace

Sous le patronage de

Présentation de concert

Mozart : Concerto pour piano n° 24 en ut mineur
Peut-on séparer la lumière de l’ombre ; le majeur du mineur ? En 1786, Mozart affirme le contraire, qui écrit au même moment son opéra le plus enjoué, Les Noces de Figaro, et ce Concerto complexe, inquiète à bien des égards. Au demeurant, et dans les mots du créateur, l’œuvre aurait vocation à « exprimer les épreuves que doit affronter l’homme pour maîtriser cette vie, et lui donner un sens ». Sa partition, conservée au Royal College of Music de Londres, nous renseigne sur l’état d’esprit de l’artiste à l’époque. Criblée de biffures, de variations, et même de gribouillages humoristiques, elle raconte une urgence – à dire « la vérité » ? Incomplète ou abrégée, la partie du clavier suggère que le musicien improvisait pour une large part lorsqu’il était lui-même soliste (on aurait aimé voir ça). Quant à l’orchestre, il exprime une variété époustouflante de teintes ; notamment grâce à l’inclusion des hautbois et des clarinettes – si tangibles qu’un critique s’étonna que les cordes fussent « repoussées dans les tranchées ». Pour cet ouvrage, Mozart eut besoin d’un papier rare, réglé à seize portées. Les premières mesures de l’Allegro, suivies d’un tonnerre beethovenien, annoncent d’emblée la couleur : il sera question de vicissitudes ; plus seulement de mansuétude. Le piano prend la parole sur la pointe des pieds, délivrant son motif enfantin avec une délicatesse de gouttes de pluie. Mais la rosée se mue bientôt en orage d’été, éclaboussant toute la gamme chromatique, avant de se déverser sur le paysage symphonique. Lorsque s’écartent les nuages, une vapeur monte au ciel, convoquant mille fantômes. À trente ans, Mozart vivait déjà ses dernières années. Le larghetto est un onguent. Auréolé d’une transcendante simplicité (selon Alfred Einstein), il respire la confiance guérie, puisée dans l’écho d’une petite musique de nuit pas si lointaine… Violons, flûtes, trompettes : tous les membres de l’orchestre se font d’affectueuses révérences, souriant vers l’objectif. On voudrait croire à cette parfaite photo de famille – même si l’émotion découle d’une intuition divergente… Se réunit-on pour un mariage ou un enterrement ? Le finale a quelque chose d’une marche funèbre. Plus mesurée, la pianiste Angela Hewitt opte pour le terme de « marche sinistre ». Nous lui préférerons celui de « voyage surnaturel », tant l’ultime mouvement de ce Concerto semble concilier la fausse naïveté de Mozart, le contrepoint d’un clavier bien tempéré, les romantiques affres schubertiennes, et la science orchestrale d’un Berlioz. Tumultueuse, la conclusion nous ramène sur la terre ferme dans un état d’étourdissement. Que venons-nous d’entendre ?

Beethoven : Symphonie n° 1 en ut majeur
Passons à la première des neuf symphonies de Beethoven, conçue autour de 1799. Elle est dédiée au baron van Swieten – compositeur médiocre, mais assez lucide pour patronner des génies tels Mozart, Haydn, ou le jeune Ludwig. Plusieurs chefs-d’œuvre (du côté des sonates ou des quatuors), ont déjà révélé le talent hors-norme de l’artiste, alors âgé de trente ans. Mais pour cette partition orchestrale d’envergure, il va se reposer sur l’appui de ses maîtres. Haydn d’abord, qui fut son professeur, et Mozart qu’il portait aux nues. À l’orée du nouveau siècle, Beethoven refuse en effet de faire table rase du passé – confirmant à la lettre le mot du comte Waldstein : « Recevez l’esprit de Mozart des mains de Haydn. » L’introduction de l’adagio, en l’occurrence, emprunte à ce dernier l’idée d’entretenir une confusion sur la tonalité de l’œuvre. Il faut attendre douze mesures pour que l’ut majeur s’affirme, sur un mode martial et printanier ; entre les bourgeons et les canons. Un critique de l’époque reprocha à cette Symphonie de paraître « écrite uniquement pour les vents ». Une écoute attentive atteste pourtant le contraire – et c’est sans doute la marque prophétique du Beethoven à venir que de ciseler un dialogue neuf, plus équilibré et plus composite, entre les différentes familles d’instruments. Comme pour révéler les secrets de son art, l’auteur morcelle la polyphonie qui ouvre l’andante. Avec ses quatre voix, le premier thème en fugato donne le sentiment de pénétrer dans les coulisses de l’Harmonie. Les connaisseurs reconnaitront un hommage au mouvement correspondant de la 40e symphonie d’un dénommé Wolfgang. Une grâce similaire domine : tout est volatile, jusqu’à la dilution même de l’idée de temps – n’était le surgissement périodique des timbales et trompettes… Le menuet qui suit n’a (presque) rien d’un menuet. En moins de quatre minutes, c’est là que se devine le mieux la patte emblématique d’un Beethoven en gésine – le passage de la félicité agreste du XVIIIe à la dévoration romantique du XIXe… Le finale s’amorce en demi-teinte, puis s’élance pour ne plus reculer. Tantôt syncopé, tantôt répétitif, le dialogue se précipite sous une explosion de notes piquées, et s’achève en déclaration d’amour à Haydn, autant qu’en proclamation d’indépendance du plus grand symphoniste à venir. Alexandre Thayer, premier biographe de Beethoven, considérera l’année 1800 comme un tournant. Celle où le musicien s’affranchira enfin du poids écrasant de ses ancêtres et modèles, pour devenir lui-même.

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